L' Agriculture en Afrique Subsaharienne

Un rapport de la FAO, publié en octobre 2009 (« Le défi spécifique à l’Afrique subsaharienne »), dresse une image très pertinente de la situation et des perspectives de l’Agriculture en Afrique Subsaharienne. Ce rapport fait état du caractère à la fois vulnérable de l’Agriculture et pourtant porteur d’un énorme potentiel pour la croissance globale du continent Africain. Cette vulnérabilité a deux origines principales. Tout d’abord, les ressources en eau sont réparties de façon hétérogène sur le continent et peu d’investissements ont été réalisés pour améliorer la technologie liée à la gestion de l’eau. L’Agriculture est donc majoritairement pluviale et de ce fait très sensible au changement climatique. Ensuite, la majorité des agriculteurs sont de petits exploitants qui n’ont économiquement pas accès à l’utilisation des engrais chimiques, ni aux pesticides ou herbicides. Le seul moyen qu’ils ont de fertiliser leurs cultures provient d’apports organiques d’origines diverses (résidus de culture, fumiers, compost…).

Les sols, réservoir de biodiversité...

Les plantes seules ne sont pas capables d’utiliser l’azote et le phosphore lorsqu’ils sont sous une forme organique quelconque. Ce sont les microorganismes du sol (bactéries et champignons) qui sont les premiers décomposeurs et minéralisateurs de cette matière organique. Ce sont donc eux qui vont recycler l’azote et le phosphore contenus soit dans les amendements soit dans l’humus, en nitrates, phosphates ou ammonium nécessaires à la croissance des cultures. Cependant, les microorganismes du sol sont des organismes extrêmement diversifiés. Par exemple, on dénombre environ 4000 espèces de bactéries dans seulement un gramme de sol. Ces espèces ont des capacités enzymatiques différentes, et n’assurent donc pas toutes les mêmes étapes de décomposition de la matière organique. De plus elles ne sont pas sensibles de la même manière aux facteurs environnementaux tels que la température, le pH, l’oxygène etc. Il en découle deux conséquences : (1) plus la diversité est grande, et plus le sol est capable de s’adapter aux variations des paramètres environnementaux par la sélection d’espèces adaptées aux nouvelles conditions, et cependant (2) ce changement de structure peut s’accompagner d’un changement dans les fonctions qu’assurent les microorganismes et donc dans les services écosystémiques qui en dépendent. Les paramètres physicochimiques du sol peuvent varier sous l’effet des changements globaux : les usages et pratiques agricoles ainsi que le climat. L’Homme peut adapter les usages et les pratiques agricoles pour exploiter la biodiversité du sol et les ressources naturelles et augmenter ainsi les opportunités d’optimisation durable de la production agricole. C’est ce que l’on appelle de l’intensification écologique ou de l’Agro-écologie (voir l’article « Diversité biologique et services écosystémiques » de la Division de la production végétale et de sa protection, AGP, de la FAO). Cependant les recherches développées pour comprendre comment gérer cette biodiversité doivent tenir compte de l’élément perturbateur sur lequel nous n’avons aucun contrôle à courts termes qui est le climat et ses variations futures.

Enjeux du projet CAMMiSolE

Les enjeux du projet CAMMiSolE sont donc de comprendre dans un premier temps le rôle de la biodiversité des microorganismes du sol dans la fourniture des services de production végétale, recyclage des nutriments et séquestration du carbone et la sensibilité de cette relation face aux changements globaux dans les sols d’Afrique de l’Ouest et de Madagascar. Le deuxième enjeu de ce projet est de réaliser un outil basé sur la modélisation qui intègre cette relation tripartite entre changements globaux, biodiversité microbienne et services écosystémiques. Cet outil doit permette de dresser des scénarios et être une aide à la décision pour augmenter ou stabiliser la production à court terme en optimisant les pratiques par rapport aux conditions physicochimiques du sol mais également pour anticiper l’effet à long terme du changement climatique.

 

Objectifs spécifiques

Ce projet regroupe donc un certain nombre d’objectifs spécifiques :

-       identifier les acteurs microbiens impliqués dans les processus de minéralisation des matières organiques des sols ;

-       identifier les déterminants proximaux (condition physicochimiques des sols et relations trophiques) agissant sur chacun de ces processus par le biais des activités ou de la composition des communautés microbiennes ;

-       comprendre comment le climat et les pratiques agricoles modifient l’intensité de ces  processus en agissant sur ces déterminants proximaux ; 

-       réaliser un modèle permettant de simuler le fonctionnement du sol autour des transformations des matières organiques tout en prenant en compte la diversité des communautés microbiennes ;

-        co-construire avec les futurs utilisateurs  une interface conviviale permettant aux techniciens agricoles et aux maîtres exploitants d’interroger le modèle comme outil d’aide à la décision avec pour objectif d’augmenter la fertilité de leurs parcelles en contexte de changement climatique.

Démarche et actions

Le projet CAMMiSolE a débuté officiellement en juin 2014 (signature de la convention entre IRD et FRB). L’opérationnel projeté tournait autour de deux types d’actions sur deux régions à pédoclimats très contrastés : Madagascar (sol argileux et climat tropical humide) et Afrique de l’Ouest (sols sableux et climat tropical sec). Ces deux types d’actions étaient des campagnes d’échantillonnage : l’une sur des sols de savanes sous différents climats et l’autre sur des sols agricoles sous différents usages et pratiques. La démarche adoptée était (1) la description physicochimique des sols (textures, pH, minéralogie, humidité, contenu en carbone et en nutriments assimilables N et P), (2) l’analyse fine de la composition des communautés bactériennes (et fongiques pour les sols tropicaux humides) et enfin (3) leur capacité à minéraliser des matières organiques de type résidus de culture (paille de blé, paille de riz) et à générer du « priming effect ».  

 

Organigramme

Les échantillonnages et les mesures physicochimiques ont été acquises chez les partenaires académiques des deux pays du Sud : Le Laboratoire des radioisotopes (LRI, Université d'Antananarivo) et le Laboratoire d'Ecologie Microbienne des Sols et Agrosystèmes Tropicaux (LEMSAT, Institut Sénégalais de Recherche Agricole). Les campagnes d'échantillonnages concernant les réseaux de parcelles agricoles ont été réalisée en partenariat avec les ONG du projet : Agrisud international (Madagascar), l'Association Song Koadba (ASK, Burkina FASO) et les parcelles paysannes de l'ISRA (Sénégal). Une partie des analyses des communautés microbiennes a été réalisée par l'équipe BIOCOM (Agroécologie, Dijon). Les données expérimentales ont servi à construire un modèle 3D par le partenaire UMMISCO (IRD, Bondy).